Dans notre enseignement, la gestion mentale est souvent considérée comme une discipline cloisonnée du reste des cours, organisée (quand elle l’est) comme le sont les séances de remédiation. Pourtant, la gestion mentale est par définition transversale, concernant l’ensemble des cours, et tout un chacun peut intégrer quelques principes de gestion mentale à ses propres cours.
Finalement, les fondements de la gestion mentale repose simplement sur du métacognitif : ne pas uniquement s’interroger sur ce qui doit être appris, mais aussi se pencher sur la manière de l’apprendre, si possible en s »intéressant à l’unicité de chaque individu quant à ce processus.
En pratique, il n’est pas possible dans une classe de vingt élèves de cerner les spécificités de chacun, mais il peut être bon de multiplier les ex cursus en proposant différentes stratégies d’études pour une même interrogation, laissant aux élèves le loisir d’expérimenter celles qui lui conviennent le mieux.
La gestion mentale étant une discipline nouvelle pour moi, je ne saurais actuellement m’étendre plus longtemps sur le sujet, mais voici trois stratégies éprouvées avec succès auprès de mes élèves. Que les visiteurs qui auraient développé d’autres stratégies d’aide à l’étude n’hésitent bien sûr pas à me les signaler.
L’étude du vocabulaire est un éternel sujet de frustration, autant pour les élèves qui ne parviennent que rarement à le maîtriser dans sa globalité, que pour les professeurs pour qui les interrogations de vocabulaire sont parmi les plus mauvaises.
Plusieurs méthodes peuvent néanmoins aider les élèves dans cette mémorisation :
- Mettre les mots les plus difficiles à retenir en contexte : si, au lieu de mémoriser le mot tel quel, l’élève mémorise plutôt la phrase dans laquelle le mot a été découvert, la restitution de la traduction peuten être facilitée.
- Surligner le vocabulaire en trois couleurs : en vert, les mots évidents quasiment identiques en latin et en français ; en orange, les mots pour lesquels un dérivé (connu et compris) peut aider à retrouver la traduction ; en rouge, les mots de vocabulaire restants, pour lesquels la connaissance du français ne peut pas aider.
- S’efforcer de ne pas faire les exercices de grammaire en allant immédiatement chercher dans le lexique la traduction du mot posant problème, mais d’abord soumettre une hypothèse plausible sur la traduction au vu du contexte de la phrase, et ensuite seulement vérifier la validité de l’hypothèse.
- Si l’élève ne bloque que sur quelques mots, « jouer » avec le mot peut aider en créant par exemple un acrostiche ou un calligramme évocateur avec le mot problèmatique.
Tout d’abord, si aucune école de devoirs n’est organisée au sein de l’école, il est parfois bon de garder à l’esprit que nous ne sommes pas tous égaux face à l’étude à domicile : si certains ont l’environnement de travail idéal chez eux, d’autres ne peuvent trouver chez eux aucun lieu de travail calme et serein (famille nombreuses, petit appartement…). Il n’est donc jamais inutile de laisser aux élèves quelques minutes de calme pour mémoriser les éléments les plus importants du cours (tableau de correspondance cas/fonction, tableaux de déclinaisons, désinences personnelles, etc.).
Plus important, quand bien même l’environnement de travail serait parfait, un certain nombre d’élèves ne savent tout simplement pas quoi étudier dans le cours, persuadés que connaître une matière, c’est pouvoir restituer sur le bout des doigts le texte du cours, ou démotivés parce que, malgré un temps d’étude réel, les résultats ne décollent pas.
Lorsque vous faites régulièrement des interrogations selon un même modèle, il peut être fructueux d’étudier la première interrogation du genre avec eux, en classe. Il est remarquable que peu d’élèves se posent finalement les vraies questions indispensables avant une interrogation : « Qu’ai-je appris de nouveau lors de cette séquence ? », « Quel lien puis-je tisser entre ce que j’ai appris et ce que je savais déjà ? », « Que pourrait me demander mon professeur sur cette matière ? », etc.
L’idée peut paraître étrange mais, bien organisée, elle s’avère particulièrement formatrice. Le principe de l’activité n’est en réalité pas de réellement mémoriser le contenu de six pages, mais d’apprendre à les mémoriser en passant par différentes étapes : la sélection des informations dignes d’intérêt, la structuration de ces informations (résumé, table des matières, etc.), l’identification des informations les plus complexes à mémoriser (généralement celles qui ne se rattachent pas à d’autres éléments déjà connus), la visualisation propre à chacun de ces informations, la vérification des informations retenues au terme d’une première mémorisation, etc., etc.
Au final, le chapitre qui semblait démesurément long se voit réduit à une portion congrue et la mémorisation réelle ne porte plus que sur une seule et unique page rédigée par l’élève lui-même en fonction de ses besoins.
C’est aussi l’occasion de leur rappeler qu’il existe plusieurs « activateurs » de mémoire : les images, le son, le fait d’écrire, de marcher tout en étudiant, de donner cours à un public invisible…
On ne saurait suffisamment faire l’éloge de la carte heuristique (ou « carte mentale », dont voici un exemple) comme outil pédagogique.
Ce n’est pas le lieu ici d’expliquer en quoi la carte heuristique est considérée par de nombreux pédagogues comme l’une des meilleures manières de représenter le cheminement cognitif d’une personne par écrit, la documentation sur le sujet est large et suffisante pour qui souhaite s’y intéresser. Néanmoins, rares sont les enseignants à en exploiter pleinement les possibilités en classe.
Qu’il s’agisse de soumettre une carte heuristique toute faite aux élèves, de leur en faire construire une ou d’en créer une lors d’un processus collectif en classe, ses usages peuvent être foison pour celui qui aura pris le temps (un quart d’heure suffit !) d’en expliquer le fonctionnement à ses élèves.
Voici quelques aspects d’une leçon que peut efficacemente couvrir une carte heuristique :
- La prise de notes (en « direct » en classe ou pour remettre en forme ou résumer des notes déjà prises)
- La préparation d’un exposé (au lieu de conserver des feuilles lors d’un exposé, les élèves ne sont autorisés qu’à posséder une carte heuristique qu’ils ont composée)
- Le brainstorming avant d’entamer un nouveau thème par exemple
- La synthèse d’un chapitre ou d’une séquence
Ce n’est pas nouveau : en matière d’intelligence, chacun a un profil qui lui est propre, c’est notamment la théorie des intelligences multiples de Howard Gardner. En somme, chaque élève possède des formes d’intelligences (kinétique, linguistique, visuelle/spatiale…) plus ou moins développées, lui permettant de développer plus aisément certaines compétences.
Il en découle que, lorsqu’il s’agit de mémoriser une nouvelle matière, une nouvelle information, chaque élève a son propre profil de mémorisation, il étudiera plus facilement d’une (ou de plusieurs) manière(s) que d’une autre. En tête de lice, les mémoires visuelles, auditives et kinesthésiques, mais rares sont les élèves à connaître leur profil et à l’exploiter efficacement. L’école offre en effet peu de possibilités de se découvrir de ce point de vue.
Il est néanmoins possible d’exploiter la variété des activités proposées dans un cours de latin pour les guider dans cette recherche introspective, voici un exemple d’activité liée à l’étude du vocabulaire parmi d’autres.
Prenons une liste de vocabulaire à étudier. Trois petits « jeux » peuvent être régulièrement organisés :
- Le bingo des mots : chaque élève reçoit une carte différente représentant 25 illustrations de 25 des mots à étudier. Le professeur tire des noms latins au hasard qu’il lit à haute voix. Si le mot est représenté sur la fiche de l’élève, celui-ci le marque d’une croix. Le premier élève à obtenir une ligne complète gagne.
- Le mime : chaque mot est associé à un geste donné (soit présenté par les élèves, soit imposé par le professeur). Lorsque le professeur donne un mot latin, tous les élèves doivent faire le geste associé, sous peine d’élimination. Le jeu peut être compliqué en citant plusieurs mots d’affilé.
- « Je vais au marché et j’achète » : sur le principe de ce jeu lors duquel il faut déclamer « Je vais au marché et j’achète […] » avant d’ajouter systématiquement un élément en plus, rendant la liste de plus en plus longue à maîtriser, il est possible de faire de même en latin « J’étudie mon latin et je connais […] » en ajoutant les mots de vocabulaire à maîtriser.
Certains ajustements peuvent être nécessaires selon le nombre d’élèves en classe, et il faut bien sûr nuancer auprès des élèves : ce ne sont que des petits tests, il en existe d’autres, il existe aussi d’autres types de profil ; l’objectif est bien de mettre l’accent sur les forces de chacun et non sur ses faiblesses.